Eta Carinae: Violente collision du vent stellaire entre deux étoiles monstres.

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L’étoile Eta de la Carène (Eta Carinae), visible de l’hémisphère sud, est un système stellaire binaire massif et lumineux. La composante la plus massive est l’une des plus grandes et des plus lumineuses étoiles connues. Dans la région centrale du système binaire, les puissants vents stellaires des deux étoiles entrent en collision à des vitesses allant jusqu’à 10 millions de km par heure. Une équipe de recherche internationale dirigée par Gerd Weigelt de l’Institut Max Planck de radioastronomie (MPIfR) à Bonn, incluant le professeur Anthony Moffat de l’Université de Montréal et membre du Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ), a pour la première fois étudié Eta Carinae en utilisant des techniques d’imagerie interférométriques dans le domaine du proche infrarouge. L’équipe a obtenu des images uniques des régions où se produit la collision entre les vents stellaires des deux étoiles. Ces découvertes améliorent notre compréhension de ce monstre stellaire énigmatique. Les observations ont été réalisées avec le Very Large Telescope Interferometer (VLTI) de l’Observatoire européen austral (ESO).

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Figure. 1: À gauche: La nébuleuse Homunculus de Eta Carinae. À droite: Image à haute résolution de la zone de collision des vents dans la région centrale d’Eta Carinae. Cette région est d’environ 100 fois plus grand que le diamètre de chacune des deux étoiles. L’ellipse jaune est l’orbite des étoiles dans le système binaire. Les deux points rouges indiquent les positions des deux étoiles au moment de l’observation. Crédit: ESO (à gauche) et Gerd Weigelt (à droite).
La plus massive des deux étoiles dans le système Eta Carinae, appelé l’étoile primaire, est un véritable monstre, puisqu’elle est environ 100 fois plus massives et cinq millions de fois plus lumineuse que notre soleil. Dans les phases tardives de l’évolution, ces étoiles massives perdent d’énormes quantités de gaz avant d’exploser en supernova. Les études de ce processus de perte de masse spectaculaire sont importantes pour améliorer notre compréhension de l’évolution stellaire.

Les deux étoiles du système binaire Eta Carinae sont si brillantes que le puissant rayonnement qu’elles produisent projette d’importantes quantités de gaz de leurs surfaces sous la forme de vents stellaires violents et rapides. Ces vents à grande vitesse stellaire se heurtent violemment dans l’espace entre les deux étoiles. Des processus physiques extrêmes se produisent dans cette région plus à l’intérieur, où le vent de l’étoile la moins massive mais plus chaud s’écrase sur le vent de l’étoile primaire à une vitesse d’environ 3000 km par seconde (plus de 10 millions de km par heure). Dans cette zone de collision, les températures atteignent plusieurs dizaines de millions de degrés, assez chaud pour émettre des rayons X. Jusqu’à récemment, il n’était pas possible d’observer les détails de cette zone de collision violente, parce qu’elle est trop petite, même pour les plus grands télescopes.

Pour la première fois, une équipe internationale d’astronomes dirigée par Gerd Weigelt de l’Institut Max Planck de radioastronomie, à Bonn, a obtenu des images extrêmement nettes de Eta Carinae (voir Fig. 1) en utilisant une nouvelle technique d’imagerie basée sur une longue ligne de base interférométrique. Cette technique combine la lumière à partir de trois ou plus télescopes pour obtenir des images multi-télescope appelé interférogrammes. En combinant un grand nombre d’interférogrammes, des images extrêmement nettes peuvent être reconstruites. Cette méthode d’imagerie interférométrique peut atteindre une résolution qui est proportionnelle à la distance séparant les télescopes individuels. Les nouvelles observations de Eta Carinae ont été réalisées avec l’interféromètre AMBER du Very Large Telescope Interferometer de l’ESO (VLTI; Fig 2.). L’équipe a combiné la lumière infrarouge des miroirs de 1,8 m de trois des télescopes mobiles du VLTI. La résolution angulaire ainsi obtenue est environ 10 fois supérieure à celle d’un seul grand télescope parce que la distance entre les télescopes était d’environ 130 mètres.

« C’est un rêve devenu réalité, parce que nous pouvons maintenant obtenir des images extrêmement nettes dans le régime infrarouge. L’ESO VLTI nous offre une occasion unique d’améliorer notre compréhension physique de Eta Carinae et de bien d’autres objets clés », explique Gerd Weigelt.

La technique d’imagerie à haute résolution a permis à l’équipe d’obtenir, pour la première fois, des images simultanées de la zone de vent stellaire entourant l’étoile primaire et de la zone de collision dans la région centrale entre les deux étoiles (Fig. 1). Cette technique fournit à la fois une résolution spatiale et spectrale élevée; il a donc été possible de reconstruire des images à plus de 100 longueurs d’onde différentes réparties autour de la raie d’émission Brackett Gamma de l’hydrogène. Ceci est d’une grande importance pour les études astrophysiques de Eta Carinae, parce que ces images multi-longueur d’onde montrent à la fois l’intensité et la distribution de vitesse de la région de collision. Les vitesses peuvent être dérivées à partir des images à plusieurs longueurs d’ondes grâce à l’effet Doppler. Ces résultats sont importants pour améliorer les modèles physiques de la zone de collision du vent et de mieux comprendre comment ces étoiles extrêmement massives perdent de la masse à mesure qu’elles évoluent.

Les modèles de collision de vent utilisés pour interpréter les nouvelles observations ont été élaborées par Tom Madura (San Jose State University) et ses collaborateurs. Tom Madura explique « Les nouvelles observations VLTI joueront un rôle important dans le calcul des prochains modèles parce que nous avons des informations plus détaillées que jamais pour contraindre les modèles ».

Karl-Heinz Hofmann (également du MPIfR) souligne que « Notre méthode de reconstruction d’image multi-longueur d’onde nous a permis de découvrir des structures inattendues dans une plage de vitesse plus large. Il est clair que l’interférométrie infrarouge va révolutionner l’astronomie infrarouge ».

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Figure. 2: Trois des télescopes de 1,8 m du Very Large Telescope Interferometer de l’Observatoire européen austral au Chili. Crédit: Gerd Weigelt
L’équipe de recherche comprend G. Weigelt, K.-H. Hofmann, D. Schertl, N. Clémentel, M.F. Corcoran, A. Damineli, W.-J. de Wit, R. Grellmann, J. Groh, S. Guieu, T. Gull, M. Heininger, D.J. Hillier, C.A. Hummel, S. Kraus, T. Madura, A. Mehner, A. Mérand, F. Millour, A.F.J. Moffat, K. Ohnaka, F. Patru, R.G. Petrov, S. Rengaswamy, N.D. Richardson, T. Rivinius, M. Schöller, M. Teodoro, et M. Wittkowski, participant de MPIfR sont Gerd Weigelt, le premier auteur, Karl-Heinz Hofmann, Dieter Schertl et Matthias Heininger.

Article original:
G. Weigelt et al .: VLTI-AMBER ouverture-imagerie de synthèse de vitesse résolue de ? Carinae avec une résolution spectrale de 12 000, 2016, Astronomy & Astrophysics, Publication en ligne, Octobre 19 (DOI: 10.1051 / 0004 à 6361 / 201.628.832).
URL: www.aanda.org/10.1051/0004-6361/201628832

Information additionnelle :

Max-Planck-Institut für Radioastronomie (MPIfR)
http://www.mpifr-bonn.mpg.de/2169/en

Groupe de recherche dans l’infrarouge du MPIfR
http://www.mpifr-bonn.mpg.de/research/infrared

Observatoire européen autral (ESO)
http://www.eso.org/public/

Very Large Telescope (VLT)
http://www.eso.org/public/teles-instr/paranal/

Astronomical MultiBEam combineR (AMBER)
http://www.eso.org/public/teles-instr/vlt/vlt-instr/amber/

Video de la NASA: Modèle de collision des vents de Eta Carinae
https://svs.gsfc.nasa.gov/11725

Source et renseignements :

Prof. Anthony Moffat
Centre de recherche en astrophysique du Québec
Université de Montréal
Téléphone : (514) 343-6682
moffat@astro.umontreal.ca

Robert Lamontagne
Responsable des relations avec les médias
Centre de recherche en astrophysique du Québec
Téléphone : (514) 343-6111 poste 3195
lamont@astro.umontreal.ca